lundi 15 mars 2010

Les enfantements d'Israël comme vecteur de l'universel selon Rav Léon Askénazi

Les enfantements d'Israël comme vecteur de l'universel
La pensée du Rav Léon Askénazi
Texte de Rony Klein de Jérusalem.
Un texte long que je vous retransmet dans son intégralité.

Nous savons que Manitou, à la tête de l'Ecole d'Orsay, a été le grand maître du judaïsme français dans les années d'après-guerre. Toutefois, jusqu'à la publication des deux volumes de La parole et l'écrit, on savait moins qu'il avait élaboré une pensée à la fois très cohérente et parfaitement au fait des courants intellectuels de son temps, de la philosophie de l'histoire à l'anthropologie. Cette pensée, contrairement à ce qu'il pourrait sembler tout d'abord, n'est pas repliée sur une identité juive refermée sur elle-même, comme si les deux maîtres du judaïsme français s'étaient partagé la tâche: Lévinas était chargé de parler aux nations alors que Manitou s'adressait à la communauté juive. S'il est vrai que Manitou a d'abord tourné son discours vers les Juifs, son discours n'avait rien d'un discours fermé sur soi, mais il était radicalement ouvert sur l'"universel" tel qu'il s'était déployé en Occident comme discours rationnel portant sur l'homme en tant qu'homme. Toutefois, ce discours ouvert sur l'universel, loin de n'être qu'un discours à la recherche d'une quelconque harmonie entre le judaïsme et ses autres, ne se détournait pas de la confrontation avec un certain modèle de l'universel occidental, comme je vais essayer de le montrer ici.





Parlant de la pensée de Manitou, il faut partir de son idée maîtresse, celle des Toladot, que je traduis par "enfantements". On le sait, ce mot apparaît avant tout dans le livre de la Genèse afin de scander l'histoire des générations d'Adam à la famille de Jacob, qui clôt l'histoire du livre. Manitou considère ce terme comme ce qui soutient l'idée d'historicité propre à Israël, un développement temporel qui s'appuie moins sur les événements, comme l'épopée grecque, que sur l'histoire singulière des hommes. Manitou s'inscrit ici dans la tradition kabbalistique, surtout l'Ecole dite de Safed, et notamment dans le sillage du Chla, le Rabbin Isaïe Horowitz, maître du XVIIe siècle originaire de Prague et très influencé lui-même par l'Ecole de Safed. L'originalité de Manitou a été de reprendre cette thématique dans ses termes propres, termes empruntés à la pensée contemporaine. Or, c'est précisément l'idée des enfantements qui lui a permis d'articuler les relations entre Israël et l'universel tel que nous l'avons défini plus haut, articulation qui constitue l'enjeu de la philosophie juive depuis toujours. En quoi le motif des Toladot permet-il d'opérer cette articulation?



Le sens du mot Toladot est établi de la manière la plus précise par Manitou au début d'un texte intitulé "Le couple, créateur de l'histoire", apparu dans La parole et l'écrit, I. "L'histoire", affirme-t-il, "a une finalité" (207). L'histoire, ici, ce sont les Toladot, les enfantements, comme il le dit explicitement. Quelle est cette finalité?



"Pour l'Hébreu, si l'histoire a un sens, c'est celui d'une orientation, de l'engendrement d'une identité humaine que les Prophètes d'Israël ont nommée "le fils de l'homme", expression qu'il faut prendre dans son sens plein: non seulement engendrement, reproduction, multiplication, mais littéralement effort de création, à partir de l'identité originelle, d'une identité humaine où les problèmes, conflits et contradictions de notre monde seraient résolus. Il s'agit là de l'espérance messianique, réussite ou aboutissement de l'histoire, identité messianique dont le mot d'ordre, shalom, donné très tôt par l'enseignement biblique, est le problème essentiel que le couple a à résoudre." (208).



La finalité de l'histoire, expression dont les résonnances hégéliennes sont évidentes, est retournée ici contre Hegel lui-même: alors que pour Hegel, le sens de l'histoire était la liberté, expression de l'Esprit à la fin de son cheminement dans l'histoire et devenu "Esprit absolu", ici la finalité de l'histoire est un homme singulier, surnommé le "fils de l'homme". Autre façon de dire que l'histoire dont il s'agit ici n'a rien de l'épopée, récit des événements survenus au cours des âges, mais d'un "effort de création d'une identité humaine". Ici se révèle une première approximation de la tension propre à la pensée de Manitou entre Israël, comme histoire singulière, et l'universel conçu ici comme Histoire universelle. D'un côté, Manitou parle bien de l'Hébreu, des Prophètes d'Israël, mais le sens de l'histoire de l'Hébreu est "l'effort de création d'une identité humaine". Le sens de l'histoire d'Israël n'est pas uniquement Israël, comme on pourrait le croire à travers ce que dit Manitou par ailleurs du Messie fils de Joseph et du Messie de David, qui est la finalité des enfantements d'Israël. C'est le fonds de la tension de cette pensée, ancrée dans le livre de la Genèse, livre à la fois le plus universel et le plus "juif" de la Torah, puisque c'est le livre des enfantements d'Adam comme le livre des enfantements de Jacob-Israël. Encore une fois, Il faut entendre ici cette double dimension: si les enfantements d'Israël visent bien la venue du fils de David, qui apportera la paix dans le monde, il doit précisément apporter la paix dans le monde, chez toutes les Nations. D'où l'on voit que le soi-disant "particularisme" d'Israël – on verra ce qu'il en véritablement par la suite - et l'universalisme sont inextricablement noués chez Manitou. D'emblée, nous voyons que les enfantements d'Israël sont bien le vecteur de l'universel, de l'avènement du fils de l'homme en tant qu'homme.



Nous en voulons pour preuve un autre texte de Manitou, l'un de ses derniers, intitulé "Frère, père, fils dans les généalogies du récit biblique" (1994, in: La parole et l'écrit I). Là encore est mis en avant le champ de tension dont nous avons déjà parlé: le récit biblique raconte une "histoire de famille" (197), et même l'histoire d'une "toute petite famille, à l'origine la famille d'Abraham" (ibid.), mais cette famille est préoccupée par "une seule question: qui est capable d'être frère, qui est porteur de l'être de fraternité?" (Ibid.). Par conséquent, le particulier – une toute petite famille – est d'emblée noué à l'universel, à l'être de fraternité, universel par essence. Ce que Manitou ne manque pas de souligner lui-même: "A peine entrevu, ce thème s'impose à l'évidence comme universel." (Ibid.). La famille, cellule en apparence fermée sur elle-même – ce qu'elle est effectivement au sens où en fondant une famille, un homme et une femme tournent le dos au monde afin d'entrer dans leur maison - est aussi, en un autre sens, vectrice de l'universel au sens où elle renvoie chacun à sa place parmi l'ensemble des hommes, sa place de fils ou de fille capables, dans l'idéal, d'être frères ou sœurs, et plus tard de fonder une famille à leur tour et d'être parents. Ce petit texte prend pour analyse la première famille, celle d'Adam et d'Eve enfantant Caïn et Abel, famille dont l'échec trace en creux les contours de ce qui doit être réparé: la relation de couple, la relation entre frères. Pourquoi la famille d'Adam? Parce que Adam, c'est précisément le lieu de rencontre entre Israël et les Nations, point d'origine de tous les hommes. D'où l'importance de la figure d'Adam pour Manitou. Adam est le père de tous les hommes, principe de l'histoire de l'humanité, sceau divin de tous les hommes selon la Michna de Sanhedrin. Selon Manitou, "On y découvre (dans l'histoire d'Adam) le principe que l'histoire de l'humanité serait celle d'un père, l'homme qui cherche à engendre un fils capable d'être frère." (Ibid.).



Toutefois, à lire plus finement Manitou, il faut dire que la proposition: "Israël est le vecteur de l'universel", reste encore abstraite, et se trouve par conséquent en-deçà de la vérité, tant qu'on n'a pas pris en compte l'histoire d'Israël telle que le récit biblique la met en scène depuis Abraham, et telle qu'elle se poursuit jusqu'à nos jours, à savoir l'histoire d'une confrontation de deux types d'universel, celle d'Israël et des Nations. C'est cette confrontation que Manitou ne cesse d'approfondir, sans concession ni tentative de conciliation illusoire. Le texte essentiel appelé "Révolution" (1969), va nous permettre d'éclairer l'enjeu de cette confrontation.



Dans ce texte, Manitou expose les enfantements d'Israël à travers le prisme de l'idée de révolution. Israël naît, affirme-t-il, sur le fonds d'une "humanité en révolte". Il s'agit de la génération d'Abraham, celle-là même qui voit la naissance du premier Royaume, celui de Nemrod. Cette génération, selon Manitou, est celle de la rivalité entre deux types de "révolution": celle inaugurée par Nemrod et celle entreprise par Abraham. La révolution de Nemrod, qui précède celle d'Abraham, est la révolte contre l'Ordre de la Création, ce que Manitou nomme "le dessein du Créateur" (137) et la tentative de lui substituer un autre ordre, celui de la Royauté purement humaine. Ainsi, Nemrod est le premier roi du récit biblique, comme il est écrit: "Le commencement de sa Royauté (de Nemrod) fut Babel." (Genèse 10:10). Or, la rébellion d'Abraham consiste en une rébellion contre cette première révolte humaine, une révolution par rapport à la volonté de changer l'Ordre de la Création. Après le détournement du sens de la Création dans la génération de Babel, Abraham opère un tournant afin de revenir à l'origine, à l'ordre de la Création, ordre bon dans son principe, comme nous le savons par la parole divine qui scande ce récit: "c'est bien, c'est très bien." C'est à la génération d'Abraham et de Nemrod que se situe la scission fondamentale de l'histoire des enfantements: d'un côté, l'humanité soi-disant universelle, incarnée alors par Nemrod, et de l'autre, Israël, dont Abraham est le père. C'est là la source du prétendu "particularisme" d'Israël, qui se refuse à s'intégrer au projet universel de la tour de Babel et à la civilisation idolâtre de son temps. Toutefois, à en croire Manitou, il ne s'agit nullement de particularisme:



"Au fond, il y a deux tentatives de construire l'universalisme: celle qui commence avec Nemrod, et celle qui va commencer avec Abraham. Les deux sont en révolte, mais les deux sont en rivalité. Abraham, comme Nemrod, invite à la rébellion contre l'ordre des choses pour installer un ordre de valeurs, mais l'intention de la révolte est très différente." (139)



L'idée de révolution permet d'affiner l'opposition, qui se donne à première vue comme une identité, entre Israël et les nations, non plus comme le particulier et l'universel, mais comme deux figures de l'universel: d'un côté, l'universel des nations, dont le père est Nemrod, s'appuie sur une révolte contre l'ordre du monde en tant que cet ordre est celui de la Création, et entend substituer à cet ordre divin un ordre purement humain, celui de la royauté, qui est l'ordre politique; de l'autre, l'universel d'Israël, inauguré par Abraham, s'appuie lui aussi sur la révolte contre l'ordre des choses existant, mais nullement en tant que cet ordre est celui de la Création. Au contraire, il pose que cet ordre est déjà une dénaturation humaine de l'Ordre divin de la Création. Nous voyons d'où vient la confusion si fréquente entre ces deux figures: le point de départ commun, qui est l'insatisfaction face à l'ordre des choses existant. Manitou va jusqu'à parler ici de "messianité générale qui est en travail dans l'humanité depuis l'origine." (Ibid.). C'est ainsi que Manitou explique la coopération des Juifs à l'histoire universelle, coopération inaugurée par Joseph en Egypte. Joseph est cet Hébreu qui a cru, jusqu'à un certain point, qu'Israël devait aider les Nations à construire leur propre universalisme. Toutefois, il se trouve que l'universalisme des nations, d'abord prêt à accueillir Israël comme on l'a vu en Egypte – c'est là l'humanisme propre aux Nations - se retourne irrémédiablement contre lui par la suite. Voilà son échec, estime Manitou. C'est là l'énigme que Manitou se propose de résoudre: pourquoi cet échec, ce retournement? La réponse nous donnera en même temps la clé de l'identité d'Israël, qui ne se comprend qu'en référence aux Nations, qu'en référence à la nécessité de surmonter l'échec de l'humanisme dit universel.



Nous savons que la scission entre Abraham et Nemrod se répètera, au niveau collectif, en Egypte. Au niveau généalogique, au niveau des enfantements, le texte nous apprend que l'Egyptien – Mitzraïm - est d'ailleurs de la même famille que Nemrod, celle de Ham, l'un des trois fils de Noé. Moïse réitère le geste d'Abraham, alors qu'il s'agit à présent d'opérer une sortie d'Israël comme peuple hors du politique égyptien. Là encore, s'agit-il, comme on pourrait le croire de prime abord, d'une sortie du particulier hors de l'universel, incarné alors par la civilisation égyptienne triomphante? Manitou écrit:



"Voici donc ce peuple qui a réussi à se libérer de l'échec de l'humanisme égyptien, et qui va recevoir la révélation d'une loi qui, dans la cohérence du récit biblique, est présentée – et c'est là peut-être le "secret" de l'humanisme d'Israël – comme la Loi de l'unité des valeurs." (142).



Ces lignes ne sont pas sans nous étonner: la sortie hors du magma égyptien ne signifie pas la sortie hors de l'universel, mais précisément le contraire: la réalisation de "la Loi de l'unité des valeurs." L'opposition d'Israël et des Nations prend ici un tour inattendu. En effet, alors qu'Israël se voyait toujours rejeté du côté du particulier, les Nations se posant comme universel – universel du Logos grec, de l'Histoire, de la raison, des Lumières, etc. - c'est l'inverse qui apparaît à présent: Israël, réalisant la Loi de l'unité des valeurs, est l'incarnation du véritable universel, alors que les Nations ne se contentent à chaque fois que d'une valeur particulière: "Chaque humanisme, dit universel, tente de faire réussir tel ou tel principe" (142). Par exemple, la liberté, comme dans la Révolution américaine ou la phase bourgeoise de la Révolution française, ou l'égalité, comme la France jacobine de 1793 ou la Révolution d'Octobre. Il faut prendre la mesure du renversement: si la loi du Sinaï est bien celle de l'unité des valeurs, ou encore de ce Manitou nomme aussi "l'exigence de la complémentarité des valeurs" (143), l'universel est désormais du côté d'Israël. C'est ainsi que Manitou explique l'échec des révolutions tournant toutes à l'impérialisme, de la Révolution française finissant en Empire, à la Révolution d'Octobre dérivant vers le stalinisme, et se retournant par là aussi contre les Juifs qui les ont soutenues. Israël ne peut jamais épouser totalement une seule valeur, même si elle est juste, non pas parce qu'elle est juste, bien-sûr, mais parce qu'elle est coupée de toutes les autres valeurs. Car mettre sur un piédestal une seule valeur est de l'idolâtrie. Les valeurs sont multiples, seul celui qui en est l'origine est Un, et son Nom Un. C'est ce qui explique les formules apparemment paradoxales de Manitou, comme celle-ci: "Car, s'il existe une identité humaine universelle, c'est dans cette manière d'être homme que la Bible nomme Israël qu'elle s'incarne et se réalise." (139). Formule complétée et explicitée par celle-ci: "Ceci ne procède pas d'un nationalisme poussé à la limite, mais d'une manière d'être homme. Il n'y a d'autre Adam qu'Israël." (142). Cette dernière phrase renvoie explicitement au verset d'Ezéchiel, qui rapporte la parole de Dieu à Israël: "Et vous mes brebis, brebis de mon pâturage, vous êtes Adam, moi je suis votre Dieu, dit le Seigneur Dieu." (Ezéchiel 34:31). Verset commenté ainsi par le Talmud: "Vous êtes appelés Adam, et les idolâtres ne sont pas appelés Adam." D'où il apparaît qu'Adam n'est pas uniquement la figure biologique de l'humanité, ni même la figure de l'homme comme sujet de droits, mais qu'il figure comme le nom de cet être créé par Dieu à son image et à sa ressemblance, dans la perfection la plus totale, perfection valant comme innocence de l'homme avant sa chute, ou sa faillite. C'est à cette figure d'Adam qu'Israël est appelé par le prophète à retourner, et c'est cette figure d'Adam que Manitou a en vue ici. Adam de l'unité des valeurs, ou de la perfection des valeurs lorsque l'une est limitée par l'autre de manière appropriée.



La figure d'Adam refait surface à la fin du texte, lorsqu'il s'agit pour Manitou de revenir à cette articulation épineuse, faite de convergence et d'opposition, entre les enfantements d'Israël et l'histoire des Nations. La différence, qui est une véritable opposition, entre l'unité des valeurs et la poursuite d'une valeur particulière, voilà le secret de "l'incompatibilité" (147) entre Israël et les Nations, de cette "fraternité impossible" (Ibid.), malgré une apparence de convergence dans les mouvements révolutionnaires à travers l'histoire. Convergence toujours ramenée par Manitou à la figure d'Adam. Ici encore, à la fin de ce texte, il écrit:



"On enseigne que Nemrod était capable de séduire les créatures et de les chasser comme des proies, parce qu'il possédait les habits du premier homme [Adam] […] A la fin de cet enseignement, il y a une expression assez mystérieuse: c'est grâce à ce vêtement du premier homme que les compagnons – les "compagnons", cela signifie dans le Zohar: les élèves, donc les kabbalistes – connaissent les secrets supérieurs. C'est là un texte assez hermétique: tout se passe comme si l'on voulait nous faire comprendre que Nemrod s'enveloppe du prétexte de l'humanisme (les habits du premier homme) pour, en réalité, installer un empire […] Nemrod reprend en quelque sorte le geste du premier homme qui, enveloppé des vertus connues à seule hauteur d'homme, a réalisé pour la première fois le geste d'usurpation de la souveraineté et de rébellion vis-à-vis du Créateur. Le Zohar continue: Mais nous, les compagnons de l'étude de la Torah, nous connaissons ce vêtement, et c'est avec ce vêtement que nous comprenons les plus grands secrets. La est l'ambiguïté fondamentale du problème: dans le fond, nous sommes d'accord avec la tentative des humanismes et la tentative des révolutions; ce qui nous différencie – bien que partageant la même exigence d'être homme, de réussir l'identité humaine – c'est que nous savons, par expérience de l'histoire ou par expérience de la Révélation, que ces exigences ont mené toutes les sociétés humaines, louées dans les commencement de leurs tentatives, auxquelles Israël a collaboré, à fonder des impérialismes, alors qu'elles voulaient faire la révolution, s'épanouir dans un humanisme." (146).



Le nœud des relations entre Israël et l'universel, nœud qui hante la pensée de Manitou se retrouve au cœur de ces lignes, qui disent l'opposition entre Israël et les Nations à partir d'une commune origine, pointée en Adam. Toutefois, Adam est aussi le lieu de l'opposition, puisqu'il s'est rebellé contre son Créateur, inaugurant une tradition qui conduit à Nemrod, au Pharaon, à Amalek. L'enjeu de l'opposition, désigné ici à travers le vêtement d'Adam, ces tuniques que Dieu fit à Adam et à sa femme, n'est autre que le sens à donner à l'histoire humaine: humanisme détaché de Dieu, humanismes des révolutions politiques tournant à l'impérialisme, ou humanisme dont la source se trouve dans l'ordre de la Création, humanisme d'Abraham et de Moïse restaurant Adam créé selon l'Image. L'humanisme ancré dans l'ordre de la création, Adam avant la faute, voilà ce qui est commun. Or, si cette origine est commune à Israël et aux Nations, c'est que la source des enfantements leur est commune. Adam, le premier à enfanter, est le père de l'humanité entière, d'Israël comme des Nations. Et le sens à donner à ces enfantements est précisément l'enjeu de l'histoire humaine, commune à Israël et aux Nations.

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